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24 mai 2020

Fabien Nierengarten

Ce matin, j'ai envie de faire un point rapide sur l'avancement de mon "sevrage". Car oui, j'ai toujours l'intention de prendre mes distances par rapport à FB [Facebook]. Et j'y arrive peu à peu. Oh, c'est loin d'être chose facile. Il y en a qui ont essayé, mais ils ont eu des problèmes. Cela dit...ça doit être possible. Avec un peu de courage et une petite dose de bonne volonté.

La volonté de ne pas cliquer sur l'icône bleue qui nous fait de l'œil dès le réveil. La volonté de ne pas dérouler son fil d'actualité pour prendre quelques nouvelles de ses contacts. La volonté de ne pas donner son avis sur leurs publications, soit par un "like" affectueux, soit par un "hahaha" parfois sarcastique, soit par un "grrrr" souvent rageur. La volonté de ne pas aller voir ce qui se passe sur notre belle planète bleue, le soir, une dernière fois avant de fermer les yeux.

Cette volonté, je souhaiterais vraiment l'avoir. Car, peu à peu, de façon insidieuse, au milieu des jolies photos et des belles citations qui peuplent encore FB, une nouvelle pensée unique s'est installée, instillée, insinuée : celle de la critique systématique, stérile et facile. C'est une "matière noire" qui comme le trou qui porte le même nom, engloutit sur son passage, toute initiative, toute idée, tout projet, afin de les discréditer en quelques mots.

Celles et ceux qui forment cette "matière noire" se donnent bonne conscience en traitant de "moutons" ceux qui ne leur ressemblent pas. Ils vantent leur propre "esprit critique", alimenté par des médias dits "indépendants", mais financés par des puissances étrangères ou manipulés par des groupuscules extrémistes. Ils oublient trop vite qu'avant de défendre violemment une quelconque opinion, il serait peut-être bon de vérifier si, par hasard, d'autres qu'eux n'auraient pas raison. Ah, il est loin, le bon vieux plan "thèse-antithèse-synthèse" de nos années lycée !!

Ici sur FB, on me prête parfois la volonté de défendre systématiquement nos dirigeants ou tel et tel parti politique en marche, en veille ou en rade. La vérité est toutefois un peu plus subtile que ça. En fait, j'ai toujours appuyé (et appuierai encore) ceux qui prennent le risque d'oser, d'agir, et donc de se planter, plutôt que ceux qui, bien calés au fond de leur fauteuil, face à leur écran de télé ou d'ordinateur, se contentent d'ironiser, de râler, de critiquer et d'attaquer, sans jamais s'engager de façon constructive.

Oui, je resterai solidaire de ceux qui "tentent le coup". Ces gens qui, on le sait hélas, auront systématiquement contre eux, ceux qui auraient fait la même chose, ceux qui auraient fait l'inverse, et surtout...ceux qui ne feront jamais rien. Je respecterai de la même façon ceux qui défendent des convictions, certes différentes des miennes, mais qui prennent la peine de les argumenter sans les considérer comme des vérités intangibles. Car avec eux, au moins, on peut débattre sans devoir se débattre. Se débattre contre l'arrogance, cette redoutable petite sœur de l'ignorance.

La crise du coronavirus a encore exacerbé les élans de cynisme, de mépris et de haine qui déferlent sur ce réseau. Il suffit que FB affiche la photo d'une personnalité, qu'elle soit politique, économique ou sanitaire, pour qu'un flot d'accusations s'abatte sur lui ou sur elle. Est suspect celui qui est en position de décider. Est glorifié celui qui se prétend capable de le remplacer. Car les "haters" n'aiment que ceux qui leur ressemblent, ceux qui n'ont encore jamais assumé la responsabilité de diriger une collectivité, une entreprise ou même la moindre association.

Leur héros d'aujourd'hui porte une blouse et une barbe blanche. Qu'il ait ou non trouvé un remède contre le virus, ils s'en foutent au final. On l'adore et on l'admire avant tout parce qu'il s'oppose au "pouvoir", au "système" et aux "élites". Et si c'était tout simplement pour prendre leur place sur la scène médiatique ? Et si c'était tout simplement pour vivre enfin sa propre gloire ? Et si c'était tout simplement pour que le blanc s'ajoute au jaune et rejoigne la "matière noire" dans l'arc-en-ciel de la contestation ?? Seul l'avenir nous le dira...

En attendant, le cirque facebookien n'a jamais été autant animé de dresseurs de virus, de jongleurs de fake news, de lanceurs de fausses alertes, et de magiciens de la santé publique. On ne compte plus les scientifiques, médecins ou spécialistes autoproclamés dont les affirmations péremptoires empêchent des solutions sereines, réfléchies et prospectives sur le moyen et sur le long terme. Des solutions qui seraient pourtant les bienvenues dans cette crise. Au lieu de cela, tout n'est qu'agitation, gesticulation, hystérie, et peut-être bientôt panique.

Les admirateurs de ces experts improvisés sont de plus en plus nombreux et de plus en plus bruyants. Les démarches individuelles, les revendications catégorielles, les pétitions plus ou moins farfelues, se multiplient à la vitesse de la lumière sur les réseaux sociaux. Chacun veut défendre sa petite cause, souvent au détriment de l'intérêt général, cette notion si essentielle dans toute démocratie, mais qui dans la nôtre, est reléguée au second plan par l'individualisme rampant.

Voilà pourquoi je souhaiterais tirer ma révérence. Voilà pourquoi je veux essayer de quitter FB, alors même que depuis plus de 10 ans, ce réseau m'a permis de très belles rencontres et m'a apporté beaucoup de satisfactions. La cure de désintoxication est toujours en cours. Mais pour le moment, je ne pense pas qu'elle puisse aboutir. Sans doute parce que l'utile et l'agréable l'emportent encore sur le futile et le méprisable.