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13 juillet 2020

Fabien Nierengarten

Quand il m'arrive de m'interroger comme hier, à l'occasion du décès du chauffeur de bus de Bayonne, sur ce que nous avons pu "mal faire" depuis une trentaine d'années, pour que notre société parte ainsi en vrille (et je reste poli), j'en arrive souvent cette question : tout cela n'est-il pas un peu la faute de la suppression du service national ?

Ceux qui me connaissent savent que je suis loin d'être un mordu de l'uniforme, du commandement et de l'ordre, même si dans ma tête, j'ai toujours besoin d'un minimum d'organisation (merci les études de droit). Je ne pense pas être non plus du style à me dire "je suis passé par là, les jeunes doivent donc y passer aussi". Ça ferait définitivement de moi, le vieux con que je refuse obstinément de devenir...

J'ai fait mon service militaire en 1986, en plein milieu de mon parcours universitaire. Sans enthousiasme, mais aussi sans la moindre tentation d'y échapper, puisque c'était le sort de (presque) tous les gars de ma génération et qu'il était donc normal de m'y plier. Même si j'avoue que sur le moment, j'ai eu les boules de "perdre" un an par rapport aux filles de ma promo et à ceux de mes potes qui se faisaient réformer. No comment.

Avec le recul, cette année a pourtant été l'une des plus enrichissantes de ma jeune vie de l'époque. Bon OK, je n'ai pas beaucoup participé à des moments qui auraient pu être douloureux pour mon corps ou pour mon amour-propre. Mais quelle leçon d'humilité et de modestie quand on te fait comprendre que tu n'est qu'une infime partie de la Nation. Et que de moments de fraternité et de solidarité quand tu surmontes ces instants difficiles, grâce au soutien de mecs avec qui tu n'as (normalement) rien en commun, et que la vie (normale) ne t'aurait jamais fait rencontrer.

Avec mes copains de régiment venus des Antilles, de Nouvelle-Calédonie, de la région parisienne (du 9.3, pas de Neuilly), mais aussi du fin fond de la Creuse ou de l'Ardèche, nous cherchions constamment à profiter de ce qui nous réunissait, plutôt que de chercher à savoir ce qui nous différenciait, notamment les origines sociales. Nous apprenions à faire "corps" pour rendre service et nous partagions une même fierté, celle de faire partie ensemble d'une même Nation.

Je sais combien il serait difficile de réinstaurer cette "parenthèse" obligatoire dans la vie de chacun (et de chacune) de nos jeunes. Et pourtant, en les obligeant à donner quelques mois de leur vie à la Nation, en contrepartie de tout ce qu'elle leur a donné auparavant (sécurité, scolarité, solidarité,...), ils pourraient peut-être retrouver un même idéal et des façons communes de l'atteindre. Voire même peut-être, de transmettre ces valeurs à ceux de leurs parents qui les auraient éventuellement oubliées.