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25 mai 2025

Bernard Rodenstein
25/5/2025

« Equo ne credite » Ne vous fiez pas au cheval !
 
C’est un vers tiré de l’Énéide, un très long poème de Virgile.
L’auteur met en garde les Troyens contre le fameux « cheval de Troie », stratagème diabolique qui a permis aux Grecs, à l’initiative d’Ulysse, de pénétrer dans leur cité assiégée en vain pendant près de 10 ans.
Les ruses servent depuis toujours des humains à abuser d’autres humains. La violence n’est pas l’unique instrument de conquête disponible. Certaines formes d’intelligence sont au moins aussi redoutables. Sinon davantage encore.
Présenté comme un cadeau offert aux habitants de Troie, le cheval avait le ventre bourré de soldats qui ont pu aisément se rendre maîtres de la cité, une fois qu’ils y furent introduits.
Jacob, avec l’aide de sa mère Rebecca, a volé le droit d’aînesse à son frère Ésaü, contre un plat de lentilles et en dupant le père Isaac sur son lit de mort.
J’ai longtemps siégé au sein d’une commission d’indemnisation de victimes d’infractions pénales et j’ai toujours été choqué par une disposition de notre système juridique qui n’indemnisait pas les victimes d’escroqueries. Il eut fallu, selon les textes en vigueur, faire preuve de perspicacité et ne pas se laisser berner. La solidarité nationale ne pouvait pas être mise à contribution pour indemniser la « bêtise » du pigeon !
Quant on voit comment sont organisés certains escrocs qui parviennent à gruger les êtres les plus méfiants, on se dit que la loi n’est pas toujours bien faite.
Pour parvenir à leurs fins, des esprits retors sont capables de monter des sales coups qui frisent à l’ignoble.
La plupart d’entre nous n’est pas équipée pour détecter les pièges. Nous avons tendance à faire confiance. Nous refusons l’idée qu’il faille soupçonner tout le monde et tout le temps de malhonnêteté.
Il nous arrive donc d’être bernés. Parfois de façon cuisante.
Pour ma part, je me refuse néanmoins à vouloir voir le mal partout et à cultiver la méfiance de façon systématique.
Se faire avoir est extrêmement douloureux, j’en sais quelque chose. Pour autant je ne souhaite pas me gâcher la vie en soupçonnant sans cesse les uns et les autres.
Faire confiance, au risque d’être trompé, est encore et toujours le chemin le plus agréable pour notre existence avec les autres.
« Equo ne credite » ! On peut comprendre Virgile, mais nul n’est obligé de le suivre. Le cheval, très souvent, s’est révélé être un fidèle ami de l’homme. La trahison d’un seul ne vaut pas que l’on rejette tous les autres.