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17 juillet 2020

Edouard Dabrowski

Un monde chaotique et dérisoire


L'Espace d'art contemporain André Malraux accueille le peintre Marcos Carrasquer. Né d'une famille ayant fui le franquisme, il fit les Beaux-arts à Rotterdam. Actuellement il vit à Paris. D'emblée c'est le choc émotionnel quand on se retrouve face à son univers. Avant même de le décortiquer, on est subjugué par la magnificence des couleurs. Formidable dessinateur, excellent peintre, Marcos Carrasquer s'attache à rendre avec beaucoup de minutie la texture des objets les plus divers. Que nous montre-t-il ? Dans un grouillement à la Bosch avec l'ironie mordante des illustrations satiriques, son univers fourmille d'une multitude d'éléments hétéroclites. C'est ainsi que dans le même tableau le spectateur découvre pêle-mêle flocons de neige, piscine gonflable, sèche-cheveux, escabeau, livres, de drôles de personnages, Trump en épouvantail et le portrait du peintre qui apparaît sur un écran de smartphone... Un grand chamboulement où le rêve et la folie flirtent avec la réalité en un invraisemblable capharnaüm.
En dénonçant les dérives de notre société, Marcos Carrasquer en donne une vision apocalyptique, pointant du bout de son pinceau sa futilité, la course au profit, le côté dérisoire de nos activités. L'ambiance foncièrement pessimiste de son œuvre est tempérée par un humour qui « renforce notre instinct de survie et sauvegarde notre santé d'esprit ».

L'exposition sera visible jusqu'au 25 octobre 2020 à l'Espace d'art contemporain André Malraux, 4 rue Rapp à Colmar.
Mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche : 14h à 18h
Jeudi : 12h à 17h





13 juillet 2020

Fabien Nierengarten

Quand il m'arrive de m'interroger comme hier, à l'occasion du décès du chauffeur de bus de Bayonne, sur ce que nous avons pu "mal faire" depuis une trentaine d'années, pour que notre société parte ainsi en vrille (et je reste poli), j'en arrive souvent cette question : tout cela n'est-il pas un peu la faute de la suppression du service national ?

Ceux qui me connaissent savent que je suis loin d'être un mordu de l'uniforme, du commandement et de l'ordre, même si dans ma tête, j'ai toujours besoin d'un minimum d'organisation (merci les études de droit). Je ne pense pas être non plus du style à me dire "je suis passé par là, les jeunes doivent donc y passer aussi". Ça ferait définitivement de moi, le vieux con que je refuse obstinément de devenir...

J'ai fait mon service militaire en 1986, en plein milieu de mon parcours universitaire. Sans enthousiasme, mais aussi sans la moindre tentation d'y échapper, puisque c'était le sort de (presque) tous les gars de ma génération et qu'il était donc normal de m'y plier. Même si j'avoue que sur le moment, j'ai eu les boules de "perdre" un an par rapport aux filles de ma promo et à ceux de mes potes qui se faisaient réformer. No comment.

Avec le recul, cette année a pourtant été l'une des plus enrichissantes de ma jeune vie de l'époque. Bon OK, je n'ai pas beaucoup participé à des moments qui auraient pu être douloureux pour mon corps ou pour mon amour-propre. Mais quelle leçon d'humilité et de modestie quand on te fait comprendre que tu n'est qu'une infime partie de la Nation. Et que de moments de fraternité et de solidarité quand tu surmontes ces instants difficiles, grâce au soutien de mecs avec qui tu n'as (normalement) rien en commun, et que la vie (normale) ne t'aurait jamais fait rencontrer.

Avec mes copains de régiment venus des Antilles, de Nouvelle-Calédonie, de la région parisienne (du 9.3, pas de Neuilly), mais aussi du fin fond de la Creuse ou de l'Ardèche, nous cherchions constamment à profiter de ce qui nous réunissait, plutôt que de chercher à savoir ce qui nous différenciait, notamment les origines sociales. Nous apprenions à faire "corps" pour rendre service et nous partagions une même fierté, celle de faire partie ensemble d'une même Nation.

Je sais combien il serait difficile de réinstaurer cette "parenthèse" obligatoire dans la vie de chacun (et de chacune) de nos jeunes. Et pourtant, en les obligeant à donner quelques mois de leur vie à la Nation, en contrepartie de tout ce qu'elle leur a donné auparavant (sécurité, scolarité, solidarité,...), ils pourraient peut-être retrouver un même idéal et des façons communes de l'atteindre. Voire même peut-être, de transmettre ces valeurs à ceux de leurs parents qui les auraient éventuellement oubliées.

12 juillet 2020

Stéphane Jordan

La rencontre entre deux mondes !

Aujourd’hui, alors que je suis en train de ramener un client chez lui, j'aperçois Mr SISSLER ancien adjoint de Mr MEYER avec qui j’avais déjà pu échanger au sujet de mon projet de vélo taxi et qui y était complètement opposé.

Je m’arrête à son niveau pour le saluer et lui montrer que mon service est utile aux Colmariens.

Je lui fait remarquer que désormais les choses ont changé et que l’avenir s’annonce plus favorable pour mon entreprise. Je lui tends la perche en lui disant que de toute façon il n’avait pas vraiment eu son mot à dire à l’époque, il me répond qu’en effet, Mr le Maire était contre.

Puis il ajoute d’un ton méprisant, « vous savez, vous ne ferez pas fortune avec votre truc ! » Je lui réponds qu’en effet ce n’est pas le but, et que mon objectif c’est avant tout d’aider les Colmariens à aller faire leur courses, les emmener chez le kiné, chez le coiffeur, bref tout ce qui fait la profession d’exploitant de vélo taxi !

C’est donc la rencontre entre deux mondes, celui des gens qui ne pensent qu’au fric, à l’argent, au pognon ! Et celui des gens simples, qui ne souhaitent qu’orienter leur vie vers le service et prendre du plaisir dans leur fonction. Je n’ai jamais pensé faire fortune en lançant mon activité de vélo taxi, par contre le bonheur des enfants que je transporte, la bienveillance des gens que je croise et avec qui je discute tous les jours, les remerciements que je reçois des clientes que je véhicule et que j’aide de A à Z, c’est ça ma richesse. La réussite a plusieurs visages et elle ne passe pas toujours pas la partie financière. Ce vieux monde dont vous faisiez partie Mr SISSLER est fini, place aux vraies valeurs !



11 juillet 2020

Fabien Nierengarten

Philippe Monguillot, le chauffeur de bus de Bayonne est donc décédé hier soir. Comme c'était hélas prévisible, il n'a pas survécu aux blessures qui lui ont été infligées par quatre tarés profonds, alcoolisés ou drogués, voire les deux, qui l'ont battu à mort alors qu'il ne leur demandait que de respecter les règles applicables à tous les usagers des transports en commun.

J'essaie de comprendre pourquoi ce meurtre me touche tout particulièrement. Sans doute parce qu'il vient briser la vie d'un brave type qui, après avoir trimé pendant toute sa vie, rêvait de pouvoir enfin en profiter, en compagnie de sa famille... dont il faut d'ailleurs admirer la dignité et la confiance en la justice.

Sans doute aussi parce qu'il a été victime, comme beaucoup d'autres, de cette violence du quotidien qui se banalise et que certains trouvent "normale", sous prétexte qu'elle est provoquée par une "colère" sociale. Comme si tous les gens en précarité se mettaient à taper sur tout ce qui bouge !!

Sans doute enfin, parce que ce chauffeur de bus a payé de sa vie, le fait d'avoir voulu défendre la société en laquelle il croyait, celle qui pose des règles pour que chacun puisse y trouver sa place et y vivre en paix. Comme les policiers, comme les pompiers, comme tant d'autres agents publics qui s'exposent au danger, en exerçant tout simplement leur mission. Et en se trouvant confrontés à des énergumènes sans la moindre foi, ni la moindre loi... et surtout, sans ces valeurs fondamentales qui font qu'on ne les transgresse pas.



5 juillet 2020

Monique Maitte

Fabien Nierengarten

Cette dame fait partie de mes belles rencontres sur FB. C'est l'une des premières qui m'a fait élargir le cercle de mes "amis", au-delà des personnes que je fréquentais dans la vraie vie ou par des amis interposés. Nous nous sommes connus en partageant des commentaires sur la page d'un ami commun. Et surtout, nous nous sommes reconnus dans des convictions et des valeurs similaires. Puis, nous nous sommes mis à commenter nos publications respectives, toujours sans vraiment nous connaître.

Progressivement, cette dame est entrée dans ma vie virtuelle et je suis un peu entré dans la sienne, découvrant grâce à quelques photos, son lieu de vie en campagne très modeste, foisonnant d'animaux venant de partout et de nulle part, et de gens qui leur ressemblaient un peu. C'est vrai que je la trouvais parfois un peu bizarre, cette dame. D'une grande culture et d'une grande sensibilité, mais pas trop en phase avec ce monde virtuel et parfois artificiel qui est celui de FB.

J'avoue que je ne me suis pas rendu compte de son absence parmi nous durant les trois dernières semaines. Je n'ai donc pas pu m'en inquiéter, ni même m'en soucier. Mais hier, j'ai appris par un post du même ami commun, que cette dame nous avait définitivement quittés. De la même façon qu'elle a vécu : avec discrétion et beaucoup de dignité. Je reconnais que ça m'a foutu un sacré coup.

Puis, les hommages se sont multipliés. D'abord sur FB, puis dans la presse, et même par la voix de la nouvelle maire de Strasbourg, à peine quelques minutes après son élection. C'est là que j'ai appris, de nombreux mois après l'avoir rencontrée ici, que Monique Maitte était une très grande dame, qu'elle défendait avec acharnement les sans-papiers, les sans-abris et les sans-familles, et qu'elle-même avait connu la misère et la vie dans la rue pendant de longues années. Je pense fort à elle aujourd'hui.

Ainsi vont les réseaux sociaux... On y trouve le pire, mais aussi le meilleur. A l'image de la vraie vie. Comme moi, vous avez peut-être quelques amis FB qui vous suivent désormais de l'au-delà. Et comme moi, ça vous fait froid dans le dos de vous dire qu'un jour, certaines de vos connaissances apprendront votre propre disparition en cliquant le matin sur la petite icône bleue. Parfois même avec quelques jours de retard. Mais ainsi va la vie. Et en attendant la mort, elle est ce qu'il nous reste de mieux.