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18 juin 2021

Disparition de Jean-Alain Caminade, « le voisin préféré de tout le monde » à Colmar
Par Nicolas PINOT / L'Alsace du 18/6/2021

⇒ https://www.dna.fr/societe/2021/06/18/jean-alain-caminade-le-voisin-prefere-de-tout-le-monde-a-colmar

Soudainement, Jean-Alain Caminade s’en est allé et désormais trop calme, la rue des Marchand pleure son érudit, son râleur, son provocateur, sa fine gueule, son DJ mélomane, son anticonformiste, son rebelle devant l’éternel.


Avec Jean-Alain Caminade, c’est une partie de l’âme de la rue des Marchands qui s’en est allée. Grégoire, de l’Arpège, lui a rendu hommage à travers un très beau texte.
Photo DNA /Nicolas PINOT


Jean-Alain Caminade. Photo Archives DNA /Jean-Luc WILL


Il arrivait dès potron-minet dans son fourgon vert pomme. « Le dimanche, il réveillait toute la rue avec des chants grégoriens, mais des fois c’était les Stones ou Aznavour ». Pendant longtemps, il a fumé le barreau de chaise. « Ça sentait dans toute la rue, se souvient Gérard Renis, commerçant historique de la rue des Marchands. Puis il a arrêté de fumer d’un seul coup, comme ça ».

A la Pergola, juste en face de la librairie de Jean-Alain Caminade, il était le seul client « à avoir le droit de venir derrière le comptoir se faire son café », dit le gérant Alexandre. Il en rigole encore. Mais l’homme aux vitrines bavardes est parti brutalement en ce début de semaine à l’âge de 74 ans et la petite famille des indépendants de la rue des Marchands peine encore à y croire.

« Il était capable de faire un détour de 400 kilomètres pour une bonne table »

Toujours bon pied bon œil, « il aimait bien la provocation subtile. Quand la police passait, par exemple ». Ses anciens élèves du collège Victor-Hugo où il enseigna longtemps le français et l’anglais le lui rendaient bien. « Ils s’arrêtaient pour le taquiner gentiment ».

Son magasin, à l’angle de la rue des Marchands et de celle des Tourneurs, avait littéralement pignon sur rue. « L’immeuble figurait en couverture de l’une des éditions du Relais d’Alsace de Georges Simenon. C’est lui qui m’avait montré cela », se souvient Grégoire, gérant du restaurant l’Arpège qui lui a rendu hommage à travers un beau texte sur une ardoise, apposée devant la librairie désormais muette. « Lorsque nous avons appris son décès, nous avons spontanément fait un pot en sa mémoire et allumé quelques bougies ».

C’est qu’il appréciait la bonne chère, le bougre. « Une fine gueule. Il commandait chez nous pour se faire à manger. Des foies gras en terrine ou du baeckeofe ». Gérard acquiesce : « Il était capable de faire un détour de 400 kilomètres pour une bonne table. Un vrai épicurien ».

« Contestataire devant l’éternel »

Sa gouaille et ses disques des Stones manquent déjà à la rue des Marchands. « C’est un très grand trou, déplore Alexandre. Ici, tout le monde se connaît ». Chez Claudine, « il venait tous les jours ». À l’Arpège, pendant le confinement, « il venait prendre un grand café dans une tasse avec une anse, il disait que c’était mieux pour les vieux qui tremblent comme lui. Nous nous sommes beaucoup rapprochés pendant cette période où il avait malgré tout besoin d’ouvrir son magasin ». Instigateur du salon du Livre ancien de Colmar, il avait récemment quitté la présidence de l’association Autour du livre.

« Râleur, furieusement français, anticonformiste, fin lettré, complètement fermé aux nouvelles technologies car ça n’était pas du papier, contestataire devant l’éternel », Jean-Alain était « le voisin préféré de tout le monde ». Pour Gérard, « il incarnait la vie de quartier que l’on aime. Et c’est un peu de l’âme de ce quartier qui est partie ».