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18 juin 2019

Benoît LEGRAND

Faire de la politique autrement

Suite à la renonciation de Benoît Nicolas, je lis les réactions qui sont partagées entre colère et déception. Mais personne ne fait la critique systémique de ce qui s'est passé, parce que tout le monde voit et vit au premier degré. Alors je me propose de faire un peu de réflexion théorique et d'apporter ma contribution comme une interprétation possible.

Pour rappeler, Benoît Nicolas s'est engagé il y a un an sur le chemin de croix qu'est une campagne municipale. Deux ans avant l'échéance sur Colmar, ce qui peut paraître tôt, mais qui peut paraître long aussi quand on vient de loin. Il commençait de zéro car sans parti et sans expérience. Son credo était de faire de la politique autrement, des gens y ont cru et se sont ralliés à lui, et il a commencé à faire une campagne traditionnelle avec l'inauguration d'un local et la recherche de fonds.

Faire de la politique autrement, ce message est porteur. Car au niveau de la ville de Colmar, nous avons tous en tête la manière dont le maire actuel gère la municipalité, de manière très verticale et autoritaire. Ses décisions étant souvent incontestables, ce que Gilbert Meyer veut, Gilbert Meyer obtient. C'est là qu'on arrive à la structuration politique qui permet ces dérives.

Dans tout collectif, la façon dont se prennent les décisions du groupe sont représentatives de la façon de penser des membres de ce collectif. Si chacun délègue sa voix à la même personne, alors nous avons un chef, et tout le monde le suit et c'est la verticalité. Si chacun exprime sa voix équitablement, alors la décision est prise avec du temps et c'est l'horizontalité. La verticalité est plus réactive et concurrentielle. L'horizontalité est plus inclusive et coopérative. C'est donc ce degré de verticalité (et accessoirement d'horizontalité puisque ces deux angles sont "complémentaires") qu'il faut étudier pour avoir un aperçu de la valeur d'une structure. Sachant que dans une structure verticale, l'élite aura toujours tendance à un moment ou à un autre à s'autonomiser des membres dont il tire la légitimité. Le pouvoir corrompt et l'hybris prend toujours le dessus.

N'oublions pas qu'en 1993, Gilbert Meyer était ce porteur de renouveau face à Edmond Gerrer pour la députation. Alors qu'il avait été son suppléant peu de temps avant. Pour éviter que ce genre de scénario se reproduise encore et encore, il ne faut pas donner les pleins pouvoirs de manière inconditionnelle à une personne. Sinon, à un moment, elle imposera elle aussi ses décisions comme si elles étaient immuables. Dans le système actuel où les élections consacrent une personne pour une durée déterminée, c'est compliqué de lutter contre les dérives autoritaires, mais rien que d'en prendre conscience permet de réfléchir à la situation.

Je fais donc un appel à ceux qui veulent vraiment changer les choses. Ceux qui ne veulent plus que le destin de la société soit pris entre quelques-uns. Ne donnez plus votre avis, faites de la politique. Ne déléguez plus votre voix à un représentant, faites de la politique. N'attendez plus sagement que les choses se passent, faites de la politique. Votre opinion est aussi importante que celle de tout autre.

Alors, quand vous vous engagerez à voter ou à militer pour un ou une candidate. Ne regardez pas uniquement qui il est, cela reste trop superficiel. Regardez quel est son programme et demandez-vous comment il a été construit. Car si vous voulez faire de la politique autrement, c'est à quoi vous devez vous responsabiliser.