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12 mai 2021

« Nous nous laissons détourner de l'essentiel qui nous rassemble, au bénéfice de l'accessoire qui nous sépare »

Fabien Nierengarten

Quelques amis m'ont fait remarquer que je ne publiais (presque) plus aucun post polémique, et que je me contentais trop souvent de partages « bêtement consensuels », voire « fades et impersonnels », genre humour et jolies photos. C'est vrai que l'envie de prendre position pour ceci ou contre cela m'est passée depuis un certain temps, et que je n'ai plus la force de me prendre la tête avec les psychorigides de la toile qui défendent leurs positions avec des œillères tellement larges qu'elles en obstruent leur cerveau.
D'ailleurs, qui suis-je (et qui sommes-nous, d'ailleurs) pour avoir un quelconque avis sur ce qui est bon et pas bon pour cette société qui évolue quotidiennement et qui brouille tous les repères, y compris parfois ceux des jeunes générations ? Qui parmi nous peut prétendre détenir à lui seul, la moindre parcelle de vérité absolue ? Si ce n'est évidemment les cons qui croient avoir raison sur tout, et qu'on reconnaît d'ailleurs à leur « intelligence universelle », martelée à coups de « moi, je ».
Cela étant dit, et malgré nos multiples divergences, je pense qu'on peut être très nombreux aujourd'hui à se rejoindre sur un point, celui de l'immense gâchis que, tous ensemble, nous sommes en train de faire subir à notre pays.
Certes, nous sommes une énorme majorité de Françaises et de Français à partager les mêmes valeurs de respect et de tolérance, les mêmes besoins de sécurité et de solidarité, les mêmes envies de prospérité et de liberté, les mêmes attentes de démocratie et d'écologie. Mais nous n'arrivons pas à tomber d'accord sur le modèle de société que nous voulons pour nous et pour les générations futures. Et surtout, nous continuons à nous déchirer sur des sujets qui, au regard de ces piliers fondamentaux, sont totalement dérisoires et anecdotiques.
Sous l'impulsion de partis politiques en quête permanente de pouvoir, ainsi que de médias en quête permanente de sensationnel, nous nous laissons ainsi détourner de l'essentiel qui nous rassemble, au bénéfice de l'accessoire qui nous sépare. Et chaque matin, nous nous réveillons, fragilisés par de nouvelles fractures, alors que l'heure serait plus que jamais à la mobilisation générale contre l'augmentation effrayante de toutes les formes de violence, contre les dramatiques conséquences économiques, sociales, financières de la crise sanitaire, et contre les atteintes répétées (et progressivement fatales) à l'équilibre précaire de notre planète.
Vivement qu'on sache enfin affronter ensemble toutes ces urgences vitales, au lieu de nous disperser et de nous opposer dans des combats fratricides entre hommes et femmes, entre jeunes et vieux, entre urbains et ruraux, entre croyants de telle ou telle religion, entre adeptes de telle ou telle philosophie de vie, et tant d'autres.
Mais voilà déjà à nouveau l'heure des campagnes électorales et de leurs slogans démagogiques dont certains nous feront croire que notre salut se trouve dans les extrêmes, alors qu'en fait, celles-ci recèlent les germes de notre propre décadence et de notre future déchéance. Essayons plutôt d'être des citoyens raisonnables et responsables, en nous souvenant que ce n'est jamais sur la base de colères et de frustrations qu'une société construit son projet de vie pour l'avenir. Bien au contraire.