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15 avril 2020

Eric Sagan
7 avril, 20:08


J'écrivais hier que cette crise s'annonce comme la plus grave depuis la dernière guerre mondiale. Et pourtant, j'y vois quelques raisons d'être optimiste sur l'avenir de l'humanité.

Tout d'abord, cette crise, contrairement à la plupart de celles qui ont secoué notre monde depuis un siècle, n'est précisément pas issue d'une guerre entre les peuples. Ce n'est pas non plus la conséquence directe de la faillite d'un système économique (aucun éclatement de "bulle financière" comme en 2008 n'en est à l'origine), ou d'actes terroristes, comme en 2001.

Pour la première fois depuis des décennies, le monde entier s'unit, cahin-caha, mais avec une quasi-unanimité, contre un ennemi commun, un ennemi tout ce qu'il y a de plus naturel et universel : une maladie.

Certains voient dans la crise actuelle une preuve de la faillite du capitalisme, d'une logique économique aveugle, ou de la mondialisation.

Bien au contraire, je trouve assez remarquable que la quasi-totalité des pays au monde ait fait le choix de sacrifier l'économie, dans l'espoir de sauver des vies. Car c'est bien ce qui est en train de se passer.

Le coronavirus tue environ 2-3% des personnes infectées. Si les états avaient fait le choix de ne rien faire, il est probable que cela aurait entraîné la mort de 1 à 4% de la population mondiale, en fonction des scénarios. Or, d'un point de vue cynique et purement économique, la disparition, par exemple sur deux ans, de 3% de la population mondiale n'aurait pas changé grand chose à l'organisation de l'économie mondiale : cela aurait bien entendu ralenti la consommation et donc la croissance, mais cela n'aurait pas provoqué l'effondrement auquel on assiste et qui ne fait que débuter.

L'effondrement actuel de l'économie est la conséquence directe du choix des gouvernements de stopper l'économie afin de ralentir la progression de l'épidémie et, au final, réduire la mortalité. On ne peut donc que constater que la vie a été placée, mondialement, devant les objectifs de croissance économique. Qui l'eût cru ? Même les pays qui, dans un premier temps, avaient fait le choix d'une vision beaucoup plus cynique (UK, USA...) en sont revenus.

D'autres y voit la faillite de la mondialisation, ... Comme si l'absence de "mondialisation" avait empêché dans le passé la propagation de la peste, de la grippe espagnole, ou d'autres épidémies mortifères. Bien au contraire, la mondialisation de la science, des connaissances, des coopérations internationales ont permis ici en un temps record de s'organiser, comme rarement l'humanité n'en avait été capable dans le passé (virus identifié, génome séquencé, tests mis au point, essais de traitement mis en oeuvre en quelques semaines...).

Dans un tel contexte, on pourrait craindre la montée du chacun-pour-soi... Pourtant, je veux croire que c'est l'inverse qui est en train de se produire. Un exemple que je crois significatif : les USA, il y a encore seulement quelques jours, continuaient d'afficher leur stratégie habituelle consistant à promouvoir la loi du plus fort sur la scène internationale. Or, les USA sont en passe d'atteindre un taux de chômage dramatique de plus de 30% (du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale), et vont devoir faire face à une crise économique et sanitaire sans précédent, probablement bien plus grave qu'en Europe (taux d'obésité, faible couverture sociale, nb de lit d'hôpitaux par habitant deux fois plus faible qu'en France...). Les USA auront besoin du reste du monde, comme nous aurons besoin d'eux. Le monde n'aura jamais eu autant besoin de coopération et de coordination internationale, pour faire face à cet ennemi commun et universel.

Au final, ce "crash-test" mondial que nous impose le coronavirus prouve, à mon sens, que l'humanité a significativement progressé depuis la seconde guerre mondiale. Face à une catastrophe naturelle universelle comme il s'en produit une par siècle, l'immense majorité des institutions mondiales (gouvernements, entreprises, banques centrales...) se sont accordées pour sacrifier la croissance afin de sauver des vies, ont débloqué des moyens financiers à un niveau rarement atteint en un siècle, ont mis en place une coopération, certes imparfaite, mais bien réelle.

Il reste à espérer que l'humanité saura, une fois cette urgence passée, appliquer ces mêmes principes à une crise plus lente, mais potentiellement bien plus dramatique dans ses effets à long terme : la crise écologique.

N'y aurait-il pas dans le drame actuel quelques raisons d'y croire, finalement ?

Alors, oui, j'ai occulté ici volontairement bien des éléments moins reluisants de notre monde actuel. Mais dans les périodes sombres, n'est-il pas plus constructif de chercher la lumière plutôt que de se lamenter sur l'obscurité ?

Eric Sagan

Ce qui arrive à la France, arrive avant tout dans le monde entier. Et, d'après la plupart des observateurs, il s'agira de la plus grave crise depuis la seconde guerre mondiale. Bien plus grave que la crise de 2008, que le 11 septembre 2001, ou que d'autres événements de ces dernières décennies.

Aujourd'hui, je ne cesse de lire des critiques, selon lesquelles il aurait fallu faire ceci, ne pas faire cela, à propos de masques, de dépistage, de confinement, de traitements, de chloroquine, d'hôpitaux, de mondialisation, que sais-je... Tout le monde y va de son avis, et, pour beaucoup, se mettent à croire à des complots plus ou moins débiles, ou partagent des posts dont on se demande si les auteurs sont plus attristés ou, au contraire, ravis d'une situation relançant leur audience ou leurs combats politiciens.

Il est tellement aisé de critiquer les décisions de ceux qui agissent. Surtout quand les décisions :
- sont prises dans l'urgence et sous une pression maximale,
- concernent des dizaines de millions de personnes, des millions d'entreprises, des milliers de secteurs d'activité dépendants tous les uns des autres,
- intègrent des milliers d'inconnues évoluant en permanence,
- et surtout, bouleversent les organisations, les mentalités et les priorités encore en vigueur il y a seulement trois semaines, et les bouleversent à un niveau qui n'avait pas été atteint depuis la dernière guerre mondiale.

J’illustre avec un exemple français : qui aurait accepté une décision de confinement prise début mars, entraînant, de fait, interdiction de manifester, report des municipales... ? Tout le monde aurait dénoncé une manipulation politique, l’instauration d’une dictature. Je crois que j’en aurais fait partie. À peine une dizaine de jours plus tard, on a assisté à un déchaînement de reproches dénonçant une décision de confinement trop tardive, à coup de "ils savaient" aux relents complotistes.

Comme il est facile de critiquer : "où sont les masques, les tests, le PQ et les pâtes ?". Mais il est impossible de parfaitement anticiper toutes les calamités aléatoires qui se produisent une fois par siècle. Cela aurait pu être une nouvelle version plus meurtrière du HIV, un astéroïde frappant la Terre, une espèce de sauterelles mutantes détruisant les céréales dans le monde entier, une algue empoisonnant les ressources en eau potable, que sais-je? Cela aura été un virus se transmettant par éternuement. Qu'aurait-on fait de stocks de milliards de masques ou de respirateurs artificiels face à une nouvelle épidémie non respiratoire, d'une météorite ou d'une sauterelle mutante ? On aurait crié à l’incurie et au gaspillage d’argent public...

Les masques n'auraient été d'aucune utilité face à la majorité des problèmes sanitaires des 40 dernières années (Sida, Ebola, Chikungunya, "vache folle"...). Et face au SRAS, je me rappelle encore des moqueries autour des milliers de vaccins commandés, au cas où...

Anticiper, c'est toujours facile, après coup.

Ce qui est dramatique c'est que les décisions actuelles ne peuvent que consister à choisir parmi des "mauvais choix", en tentant de deviner le moins mauvais, sur la base de données incertaines. Il y aura toujours, après coup, quelqu'un pour dire "on aurait pu faire mieux, c'était pourtant évident".

Aucun gouvernement, aucun pays, ne pourra affirmer avoir été parfait dans la gestion de cette crise. La France ne l'a pas été, pas plus le gouvernement que les Français eux-mêmes : en février, quelle majorité de français aurait soutenu un ministre de la santé appelant à l'interdiction de tout rassemblement, de toute manifestation, à l'arrêt des matchs de foot, ou même à la dépense de centaines de millions d'euros pour acheter des masques... au cas où ?

Il n'en demeure pas moins que parmi les pires réactions, les pires gestions, les pires mensonges, on relèvera sans surprise les leaders populistes, arrivés récemment au pouvoir, et portés par cette vague de remise en cause des "élites" que la France connaît également depuis quelque temps. Alors, oui, pour ne citer que les principaux, j'ai bien plus confiance aujourd'hui en la France qu'en Trump aux USA, Bolsonaro au Brésil, ou Boris Johnson en Grande-Bretagne...

Et, au final, j'ai bien plus confiance en la parole des institutions, que ce soit celle des médias sérieux, celle des autorités, médicales, gouvernementales ou économiques, que celle des youtubeurs, instagrameurs, des médias "alternatifs" remplies de vérités "alternatives", de mon voisin gilet jaune ou qu'un ami de mon oncle qui connaît un mec dont la sœur travaille dans un hôpital.

Dans une crise comme celle-ci, il est irresponsable de profiter de la confusion pour ajouter encore plus de confusion.

Profiter de la situation pour se complaire et se vautrer dans la critique facile, crier à l'assassin, au complot, mener ses petits combats politiciens franco-français habituels en se servant de ce virus, relayer les théories fumeuses de profiteurs ou d'illuminés opportunistes, c'est pathétique, déplorable, irresponsable.

Il ne s'agit pas de renoncer à améliorer le monde, à toute critique constructive, ou de ne pas tirer de leçons de ce que l'avenir révélera avoir été des erreurs. Il s'agit, face à une crise historique et planétaire. de ne pas se laisser emporter par la panique, les raisonnements simplistes, le fatalisme, les aboiements de circonstance, les divisions délétères... de ne pas mettre de bâtons dans les roues d'une charrette en se plaignant qu'elle n'avance pas.

Des leçons à tirer, il y en aura, c'est certain. Par exemple celle-ci. Nous avons bien trop souvent besoin d'attendre qu'un événement devienne dramatique pour réagir, et se lamenter après coup. Ce n'est pas (seulement) la responsabilité des gouvernements. La plupart des gouvernements sont élus, et ils ne peuvent rien faire s'il n'y a pas une majorité pour soutenir leurs décisions.

Au lieu de se plaindre après coup du manque d'anticipation contre une maladie aléatoire qui vient de nous frapper (et dont il ne fait aucun doute que nous en viendrons à bout comme de toutes les pandémies précédentes), ne serait-il pas temps d'agir dès aujourd'hui, avec bien plus de détermination, contre les menaces, parfaitement identifiées, et aux effets bien plus dévastateurs à long terme qu'un simple virus ?

Cela nous évitera peut-être dans 20 ans de nous lamenter sur les effets meurtriers d'un climat devenu incontrôlable, de ressources naturelles épuisées, d'une surpopulation ingérable, d'un écosystème à l'agonie.

Et s'il fallait un message politique, je me permets celui-ci : espérons que cette crise ne nourrira pas la gangrène des nationalismes et populismes égoïstes. Tâchons d’œuvrer afin que l'humanité sorte de cette crise plus sage, plus solidaire, valorise davantage la coopération plutôt que la division, en réalisant que, désormais, l'avenir de l'homme est plus que jamais une question planétaire, et non une affaire de défense individuelle des nations.


13 avril 2020

[Récréation]

Idées pour le temps de confinement : faire des confiseries aux fruits confits.



9 avril 2020

Tracking or not tracking ?

Phil


Coronavirus : solidarité envers le personnel soignant des hôpitaux




En ce temps de crise, la solidarité n'est pas un vain mot. À Colmar comme dans d'autres villes, à côté d'associations d'entraide sociale qui œuvrent toute l'année et sont plus que jamais mises à contribution depuis l'apparition du coronavirus, des initiatives individuelles naissent spontanément, dans le but de soutenir prioritairement le personnel soignant des hôpitaux, en première ligne dans la lutte contre les ravages de la maladie.

Dan Steffan, artiste colmarienne bien connue s'est mobilisée à son tour en créant sur Facebook la page "Colm'Art Solidaire". Il s'agit de proposer à des plasticiens de mettre en vente une de leurs œuvres au profit des hôpitaux de Colmar. Les personnes intéressées (vendeurs et acheteurs) sont invitées à se retrouver ici :

https://www.facebook.com/groups/1090010568022275/

Le virus de Charybde et Scylla

Laurent Joffrin



La pandémie de coronavirus, on le sait, a créé une situation tragique. Elle l’est en fait doublement, selon les acceptions du mot. Dans le langage courant, la tragédie désigne un malheur cruel qui nous laisse impuissants. Elle correspond à ce que nous vivons. Mais en matière théâtrale, depuis l’Antiquité, elle signifie aussi que les protagonistes sont placés devant une alternative impossible, dont les deux branches sont également mauvaises. Telle est, malheureusement, la situation du gouvernement français face au drame du coronavirus.

En apparence, les choses sont claires : pour épargner des vies et soulager les services hospitaliers, les autorités ont imposé un confinement général. À court terme, on voit mal comment il aurait pu en être autrement. La grande majorité des États ont adopté cette stratégie, sans laquelle la pandémie devenait probablement incontrôlable et très meurtrière. Ceux qui ne l’ont pas fait au départ ont d’ailleurs été contraints de s’y ranger.

Comme cette méthode commence, semble-t-il, à porter ses fruits, beaucoup de médecins et de soignants réclament sa prorogation pour plusieurs semaines, peut-être plus. C’est là que les choses deviennent très ardues. Entre-temps, la production française s’est affaissée de 6% sur un trimestre et les économistes estiment, de manière à peu près consensuelle, que chaque mois de confinement coûte au moins 2 points de production annuelle. Ainsi, le prolongement du confinement risque de provoquer une récession à la fois longue et brutale, inédite depuis la guerre : plus il dure, plus les entreprises se retrouveront en difficulté, plus elles mettront leurs salariés au chômage (maintenant ou plus tard) et plus les capacités de production seront à l’avenir handicapées.

On dira qu’on choisit dans ce cas, encore une fois, la santé publique contre le bien-être matériel, et on aura raison. A cette nuance près : une récession profonde et prolongée, outre qu’elle crée des difficultés sociales et financières sans nom, a aussi des effets sur la santé. Le chômage de masse, qui nous guette, accompagné d’une baisse substantielle du pouvoir d’achat, risque d’altérer gravement l’état sanitaire de chômeurs de plus en plus nombreux et, d’une manière générale, celle des plus démunis. L’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), par exemple, le dit de manière limpide dans une étude qu’elle a publiée en 2018 sur le sujet, « La santé des chercheurs d’emploi, un enjeu de santé publique » : « On observe une surmortalité des chercheurs d’emploi, avec 10 000 à 14 000 décès imputables chaque année au chômage. » Rappelons que, selon la dernière estimation, le coronavirus a entraîné la mort d’un peu plus de 10 000 personnes en France.

L’ensemble des recherches réalisées en psychologie indique que le chômage est vécu comme une épreuve qui s’accompagne de stress, d’anxiété, de déprime, d’un profond sentiment de honte et de culpabilité, le tout pouvant amener à développer de multiples pathologies. De la même manière, les maladies chroniques (asthme, hypertension, diabète, cholestérol, eczéma, psoriasis) ont tendance à s’accentuer pendant les périodes d’inactivité.

Certes, d’autres économistes remarquent, à l’inverse, que les périodes de récession font aussi diminuer la mortalité en réduisant le nombre des accidents de la route ou celui des accidents du travail (moins de travailleurs, moins d’accidents). Mais il y a sans doute des moyens plus directs d’accroître la sécurité routière ou celle des salariés au travail que de provoquer une récession générale. La mortalité des chômeurs, elle, demeure.

Le choix du confinement traduit à coup sûr un progrès de la conscience humaine : dans une majorité de pays, on a décidé de sauver tout de suite des vies, quitte à mettre à l’arrêt une grande partie de l’économie mondiale. Mais, à terme, cette paralysie aura son coût, qui se comptera également en vies humaines. Surtout si la récession s’étend aux pays les plus pauvres, où une grande partie de la population se trouve aux limites de la survie.

Il existe bien sûr une issue à ce dilemme : sortir du confinement tout en assurant la sécurité sanitaire. Ce sont les stratégies de dépistage massif et de « traçage » des comportements à l’aide d’applications numériques, qui permettent de limiter les contacts contaminants et d’isoler les patients atteints du virus. On sait qu’elles posent de redoutables questions de libertés publiques et de protection de la vie privée. Juristes et experts en jugeront. Mais si elles permettent d’éviter de naviguer de Charybde en Scylla, de la pandémie à la dépression économique, elles méritent une étude pour le moins sérieuse.