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24 décembre 2021

Eric Straumann

L’Insee nous a communiqué le chiffre de la population légale au 01.01.2019, donc en vigueur au 01.01.2022 :
→ La population totale de Colmar s’établit à 69 756 habitants, soit une légère baisse du nombre d’habitants (-18) ;
→ Le nombre d’habitations est de 35 550, soit une hausse de 273 logements.
Cette situation traduit notamment l’augmentation des logements de tourisme dont le développement doit aujourd’hui être jugulé.


[Conseil municipal]



La lettre d'info quotidienne
24 décembre 2021








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JAK


23 décembre 2021

Muriel Fabre-Magnan

« L'État de droit est-il malade du Covid-19 ? »

Publié le 21/12/2021

« L'État de droit est remplacé par l'arbitraire du pouvoir. »
Sergey Yarochkin / stock.adobe.com

FIGAROVOX/TRIBUNE - En pleine résurgence de la crise du Covid-19, le pouvoir politique prend des mesures drastiques pour enrayer l'épidémie. Le professeur de droit s'inquiète du délitement de l'État de droit au profit du politique dans la gestion de cette crise.

Professeur de droit à Paris I, Muriel Fabre-Magnan est l'auteur de nombreux ouvrages de droit. Elle publie, entre autres, L'institution de la liberté (PUF, octobre 2018).

Les scientifiques se plaignent souvent de l'inculture générale dans leur discipline, mais l'inculture juridique est également patente, et peut-être plus problématique encore. On entend ainsi régulièrement accuser l'État de droit d'être la source de tous les maux contemporains, au point qu'il faudrait s'efforcer de l'affaiblir.

Mais l'État de droit n'est pas le respect de la hiérarchie des normes ; il n'est pas responsable de la dérive des droits de l'homme, des empiètements de l'Union européenne sur la souveraineté des États-Nations, et encore moins des excès de zèle bureaucratiques et technocratiques. L'État de droit est fondamentalement le contraire de l'arbitraire, que celui-ci résulte d'une absence d'État ou au contraire d'un abus de pouvoir par l'État.

Or depuis deux ans, la saga juridique autour du Covid-19 à laquelle nous assistons illustre – ad nauseam – le remplacement du droit par l'arbitraire du pouvoir. En cette période de crise sanitaire, les décisions politiques sont certes sans aucun doute particulièrement difficiles à prendre, tant l'articulation entre des objectifs divers et parfois antinomiques est délicate, que ce soit les enjeux de santé publique, la préservation des libertés individuelles, la soutenabilité du système public hospitalier, ou encore le maintien des activités économiques. Mais, précisément, le respect des principes et des procédures minutieusement forgés par le droit serait plus que jamais nécessaire.

En d'autres termes, si la situation que nous vivons actuellement est très préoccupante, c'est bien parce qu'elle est symptomatique du délitement de l'État de droit.

La confusion des places et l'atteinte à la séparation des pouvoirs

L'État de droit suppose d'abord une séparation des pouvoirs. L'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 le dit avec une force particulière : « toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Une société démocratique ne peut prétendre être constituée sans séparation des pouvoirs. Car, comme l'avait si bien théorisé Montesquieu, « pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Or nous assistons au contraire aujourd'hui à la concentration du pouvoir, et à la prétention de certains à occuper toutes les places.

L'hyper-présidentialisation du régime conduit ainsi à neutraliser le parlement. Elle est encore accrue par le renoncement des juridictions supérieures (Conseil constitutionnel, Conseil d'État, Cour de cassation) qui, tétanisées par les risques sanitaires, ont validé et cautionné pour l'essentiel toutes les décisions gouvernementales.

La recherche du bien et du mal est certes souvent tâtonnante, certes elle suppose de douter avant de trancher, et aussi la conscience d'un certain relativisme culturel, mais on ne peut faire société sans accord sur un socle de valeurs communes.
Muriel Fabre-Magnan

Dès mars 2020, a été instauré un Conseil scientifique Covid-19 qui a immédiatement rendu des arbitrages de type politique, au lieu de se contenter, ce qui serait bien plus précieux et qui fait cruellement défaut, d'un état des lieux scientifique objectif. Cet abus de pouvoir ayant été justement dénoncé, l'exécutif a redressé la barre et veillé à ce que ce soit désormais le Conseil de défense sanitaire (autre mécanisme d'exception conduisant à déroger au fonctionnement régulier des institutions) qui annonce les décisions de nature politique.

La même dérive est flagrante au comité d'éthique. Cette institution a pour rôle de donner son avis sur le point de vue moral des questions, pas de seconder le gouvernement en lui apportant sur un plateau une justification pour son action politique. Il aurait certes fallu nommer un autre président que le président actuel qui a avoué son incompétence pour la fonction en affirmant : « Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal » . Tel est pourtant précisément le rôle du comité d'éthique, comme l'affirme expressément le Décret n°83-132 du 23 février 1983 portant création d'un Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Selon l'article 1er de ce décret, le comité a en effet « pour mission de donner son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, que ces problèmes concernent l'homme, des groupes sociaux ou la société tout entière ». Or comme le disait Cambacérès, « la morale est le sentiment du juste et de l'injuste, du bien et du mal, de l'honnête et du déshonnête ». Le pluralisme des valeurs, qui est sans conteste l'un des acquis de nos sociétés contemporaines, ne signifie pas la disparition des valeurs et de la morale. La recherche du bien et du mal est certes souvent tâtonnante, certes elle suppose de douter avant de trancher, et aussi la conscience d'un certain relativisme culturel, mais on ne peut faire société sans accord sur un socle de valeurs communes.

Le reniement de la liberté

Les partis politiques, et en particulier la gauche, avaient déjà abandonné les questions de souveraineté et de sécurité à l'extrême-droite. Celle-ci voit désormais tomber également dans son escarcelle la défense des libertés fondamentales. Les politiques feraient bien d'y réfléchir très sérieusement en cette période électorale troublée.

S'il est une chose certaine en régime démocratique, c'est que la liberté est le principe et les atteintes à la liberté l'exception. Les règles juridiques qui encadrent ces atteintes à la liberté sont très claires et incontestables : nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés fondamentales des restrictions qui ne seraient pas tout à la fois justifiées et proportionnées par rapport au but recherché.

Or, depuis le début de la pandémie, les atteintes aux libertés ont été au contraire marquées par la démesure et la disproportion.

La dernière décision du gouvernement de transformer prochainement le passe sanitaire en passe vaccinal en est un exemple flagrant. Si l'objectif est d'établir un certificat permettant de limiter la propagation de l'épidémie, comment justifier que quelqu'un qui viendrait de se faire tester et dont le test est négatif serait plus dangereux que le détenteur d'un passe vaccinal qui, comme il est aujourd'hui scientifiquement avéré, peut être porteur du virus ? Les plus hautes juridictions de notre pays se déshonoreraient à ne pas s'opposer fermement à une atteinte aussi patente au principe de proportionnalité.

Certes les droits et libertés doivent être mis en balance avec d'autres intérêts publics, mais cette mise en balance ne signifie pas que ces droits et libertés doivent toujours céder devant les raisons de sécurité et de santé.
Muriel Fabre-Magnan

Les juridictions doivent aussi, selon la formule connue des juristes, restituer aux faits leur exacte qualification. Or ce qui est mis en place désormais par le gouvernement est une obligation vaccinale qui ne dit pas son nom. Le ministre de la santé a ainsi récemment reconnu devant un média que « le passe vaccinal est une forme déguisée d'obligation vaccinale ». Mais s'il s'agit d'une obligation et non plus d'une simple possibilité offerte aux citoyens, le gouvernement doit, au nom du principe de proportionnalité, apporter des preuves additionnelles. Il doit faire la démonstration que cette atteinte supplémentaire à la liberté individuelle et à l'intégrité corporelle est nécessaire pour l'objectif qu'il s'est fixé – faire disparaître le virus ou au moins en limiter la circulation. S'agissant du premier objectif, les scientifiques les plus sérieux reconnaissent qu'il est illusoire. Le Professeur Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, a ainsi affirmé que « La probabilité d'éradication est quasi-nulle. Dans l'histoire moderne microbiologique, le seul virus éradiqué, après des efforts colossaux de vaccination, c'est la variole ». Quant à la circulation du virus, là encore selon l'avis des spécialistes, l'avenir probable du virus est de devenir, comme la grippe, un phénomène endémique et moins létal. Toujours selon Alain Fischer, « l'hypothèse la plus probable » est « qu'il s'atténue et qu'il se comporte comme les autres coronavirus, en nous donnant de simples rhumes ».

L'instauration d'un passe vaccinal ne permettrait plus de dire que les personnes ont encore le choix, dès lors qu'elles seraient désormais privées d'activités essentielles pour leur vie quotidienne ou professionnelle. Nous avons essayé de montrer ailleurs (L'institution de la liberté, PUF, 2018) le danger de ces manipulations de la liberté et du consentement, et la pente totalitaire où engage leur usage abusif. Le mécanisme est explicité par O'Brien dans le terrifiant 1984 d'Orwell : « Nous ne nous contentons pas d'une obéissance négative, ni même de la plus abjecte soumission. Quand, finalement, vous vous rendez à nous, ce doit être de votre propre volonté ».

Certes les droits et libertés doivent être mis en balance avec d'autres intérêts publics, mais cette mise en balance ne signifie pas que ces droits et libertés doivent toujours céder devant les raisons de sécurité et de santé. Même lors de la "première vague", c'est-à-dire lorsque l'on ignorait encore les modes de contamination du virus, il est absolument et radicalement inadmissible d'avoir empêché certains d'assister à l'enterrement d'un membre de leur famille. Ce dernier exemple est l'un des signes d'une autre pathologie institutionnelle de notre temps : l'effondrement éthique.

L'effondrement éthique

Traditionnellement, la bioéthique était aussi gouvernée par un principe de proportionnalité. Ainsi, l'importante loi Huriet du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales affirma qu'« aucune recherche biomédicale ne peut être effectuée sur l'être humain […] si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à̀ la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de cette recherche ». Surtout, elle ajoutait que « les recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct ne doivent comporter aucun risque prévisible sérieux pour la santé́ des personnes qui s'y prêtent ».

Progressivement, nos exigences éthiques s'amenuisent, avec le soutien du comité d'éthique qui, petit pas par petit pas, accompagne le mouvement.
Muriel Fabre-Magnan

Une des lois bioéthiques ultérieures, la loi du 9 août 2004, a abrogé tout le chapitre consacré aux recherches sans bénéfice individuel direct. Elle substitua à cette formulation très claire une distinction absconse entre les « recherches interventionnelles » (ou non), définies comme celles « qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle ». A ainsi été noyée l'exigence éthique fondamentale qu'une atteinte à l'intégrité corporelle ne peut être justifiée si elle est hors de proportion avec le bénéfice individuel direct de la personne. A été de surcroît supprimée la règle susvisée selon laquelle, en l'absence de bénéfice individuel direct, l'intervention ne doit comporter aucun risque prévisible sérieux pour la santé des personnes.

Progressivement, nos exigences éthiques s'amenuisent, avec le soutien du comité d'éthique qui, petit pas par petit pas, accompagne le mouvement.

Déjà, si on y regardait de plus près, la formule de la loi Huriet était à certains égards problématique. En effet, mettre en balance un risque prévisible encouru par une personne qui ne retire aucun bénéfice direct d'une expérimentation avec l'intérêt d'une recherche est une atteinte directe à l'impératif catégorique kantien selon lequel il faut agir « de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen ».

La présente crise sanitaire risque de nous faire franchir encore un pas supplémentaire.

Il faut préciser au préalable ce dont on parle ici. L'une des conditions d'un débat serein est en effet de s'entendre, et donc d'expliciter, les faits à partir desquels on raisonne. Sur le vaccin, sans être scientifique, on tient ici pour acquis qu'il est raisonnablement efficace et qu'il est donc avantageux, pour les adultes, dans un bilan bénéfices/risques, de se vacciner. Toujours dans une interprétation favorable à la vaccination, on peut admettre, comme la majorité des scientifiques semblent le dire, que les effets secondaires immédiats connus, dont il ne faut certes pas sous-estimer la gravité, ne sont cependant pas d'une ampleur telle qu'il faille déconseiller formellement le vaccin.

Restent les effets négatifs potentiels de plus long terme. Toute personne qui affirmerait que le vaccin n'aura aucun effet négatif grave dans le long terme perdrait immédiatement toute crédibilité et ferait la preuve d'une grande ignorance. Faut-il égrener toutes les affaires où on a découvert ultérieurement un grave risque pour la santé qu'on ignorait au moment où le produit a été utilisé ou inoculé : le Distilbène, l'encéphalopathie spongiforme bovine (la "vache folle"), le sang contaminé, l'amiante, le Mediator, etc., etc. ? Peut-on sérieusement dire (ce qu'on a fait sans sourciller à toutes les époques…) qu'avant on ne savait pas, mais que maintenant on sait tout ? La liste des affaires citées montre que, s'il y a une certitude pour les juristes, c'est que le mépris et l'abandon des règles éthiques finissent toujours devant les tribunaux par des procès en responsabilité. Comme l'avait si bien dit Catherine Labrusse-Riou, « les procès déjouent les convenances étouffantes du consensus et font apparaître la relativité du progrès, l'incertitude des données scientifiques, la conscience du risque à ne pas prendre ». Il y aurait, à ce propos, un chapitre supplémentaire à ouvrir sur les contrats conclus avec les laboratoires pharmaceutiques, et la façon dont on les laisse tirer profit de façon exorbitante de la situation sans qu'ils aient à assumer les risques corrélatifs (les médias disent l'inverse avec assurance, mais il n'y a pas la place de développer ici ce débat plus technique), alors même qu'ils ont reçu pour les produire des subventions publiques.

Pour les enfants de moins de 12 ans, pour lesquels les scientifiques disent, dans leur très grande majorité, que sauf pour ceux présentant quelques comorbidités, le risque individuel de décès est quasiment nul, comment éthiquement justifier leur vaccination obligatoire ?
Muriel Fabre-Magnan

La question morale et juridique qui se pose consiste alors à savoir ce qu'il convient de faire quand on ne sait pas.

Pour les enfants de moins de 12 ans, pour lesquels les scientifiques disent, dans leur très grande majorité, que sauf pour ceux présentant quelques comorbidités, le risque individuel de décès est quasiment nul, comment éthiquement justifier leur vaccination obligatoire ?

Par une mascarade, le pouvoir en place déguise la réalité et nie officiellement qu'il s'agisse d'une obligation. Le Comité Consultatif National d'Éthique, répondant le 16 décembre 2021 au Ministère des Solidarités et de la Santé sur les enjeux éthiques de la vaccination des enfants de 5 à 11 ans contre la Covid-19, ose quant à lui affirmer, pour donner son feu vert à cette vaccination, que « la ligne directrice dans cette réflexion éthique du CCNE a été dictée par le bénéfice individuel de l'enfant », même s'il insiste tout de même sur le fait qu'elle ne doit être ni obligatoire ni incluse dans un passe sanitaire.

La vraie raison qui motive en réalité le gouvernement (et il faut bien le dire une partie importante de la population) est d'éviter que les adultes de leur entourage soient contaminés, car il semble avéré que les enfants sont une source importante de contamination. Il s'agirait donc essentiellement, par la vaccination des enfants, de protéger la population générale.

L'acceptation d'un tel raisonnement est le signe d'un affaissement considérable de la morale. Les esprits sont désormais tellement habitués à l'utilitarisme et à l'importation des raisonnements marchands dans tous les domaines de la vie, qu'on ne comprend plus ce que Kant appelait la dignité de la personne humaine. Arthur Koestler l'a redit de façon plus sombre, car il a vécu dans sa chair l'abandon de ce principe. Dans son livre majeur, Le Zéro et l'Infini, il affirmait qu'« il n'y a que deux conceptions de la morale humaine et elles sont à des pôles opposés » : l'une d'elles « déclare l'individu sacré, et affirme que les règles de l'arithmétique ne doivent pas s'appliquer aux unités humaines – qui, dans notre équation, représentent soit zéro, soit l'infini » ; l'autre conception « part du principe fondamental qu'une fin collective justifie tous les moyens, et non seulement permet mais exige que l'individu soit en toute façon subordonné et sacrifié à la communauté – laquelle peut disposer de lui soit comme d'un cobaye qui sert à une expérience, soit comme de l'agneau que l'on offre en sacrifice ».

À nouveau si nous étions certains que la vaccination des enfants pouvait mettre fin à la pandémie, ou à tout le moins certains qu'il n'y a aucun risque pour eux à long terme, leur vaccination obligatoire pourrait être envisagée, comme c'est le cas pour d'autres vaccins. Mais qui oserait soutenir publiquement qu'il en est ainsi pour le présent vaccin ?

De la valeur des principes

Certains se diront que tout cela n'a pas d'importance, que nous vivons dans une démocratie et qu'il n'y a donc rien à craindre, ou encore qu'il est nécessaire d'en passer par là pour se débarrasser du virus. Leur seule ligne théorique est le pragmatisme, et les impératifs catégoriques kantiens sont rejetés comme appartenant à une époque révolue, ou éventuellement à un choix moral individuel et subjectif.

Ils confondent en réalité pragmatisme et utilitarisme, car cette morale qu'ils pratiquent couramment, et qui semble aujourd'hui la seule audible, est une mise en balance généralisée des intérêts en présence. La seule rationalité de l'être humain serait celle du bilan coûts/avantages.

Une telle balance est cependant bien fruste, qui néglige dans ses pesées et ignore dans ses calculs l'essentiel, car l'essentiel est toujours ce qui ne se compte pas. Comment compte-t-on le sacrifice imposé aux jeunes, dans une période de la vie déjà marquée par la fragilité ? Comment compte-t-on les conséquences sur les enfants en bas-âge du port du masque, par eux ou par leur entourage ? Comment compte-t-on la détresse existentielle des personnes qui n'ont pu enterrer leurs proches ?

Le résultat de leurs calculs n'est alors pas très convaincant. Si vraiment l'objectif était de vacciner le plus de monde possible, comment expliquer qu'il n'y ait pas eu une levée des brevets pour les pays pauvres ? Comment prétendre décemment qu'il s'agit de préserver le système de santé quand depuis des années celui-ci a été l'objet d'une casse méthodique ?

Notre démocratie n'est pas un acquis irréversible. Elle est faite du respect de règles.
Muriel Fabre-Magnan

Notre démocratie n'est pas un acquis irréversible. Elle est faite du respect de règles ou, comme le dit Olivier Jouanjan dans son magistral dernier livre (Justifier l'injustifiable. L'ordre du discours juridique nazi, PUF, 2017), d'un minimum de formes. Sans le respect de la séparation des pouvoirs, du principe de liberté, ou dans d'autres domaines encore de la présomption d'innocence, la démocratie n'est plus garantie. On ferait bien de le méditer avec le minimum d'humilité qui convient. Quand, abstraction faite des autres questions, les médias et les politiques se précipitent pour moquer le tribunal constitutionnel polonais au motif que ses juges sont nommés par le pouvoir politique, on ferait mieux de se renseigner d'abord sur le mode de nomination de nos propres juges constitutionnels. Qu'aurait-on dit ainsi d'une cour constitutionnelle polonaise, hongroise, ou russe, dont les anciens présidents de la République seraient membres à vie ?

Or ce "deux poids deux mesures" se paye. L'absurdité des mesures privatives de libertés et la multiplication des règles punitives et vexatoires se payent. L'instauration d'une mise à l'index des non vaccinés et d'une division entre les citoyens se paye. Les atteintes à la liberté, la démission de nos juridictions supérieures face aux abus de pouvoirs, la pérennisation de l'état d'exception se payent aussi.

Le prix de tout cela est même en réalité très cher : la délégitimation du droit et de nos institutions.

Ceux qui nous gouvernent portent une très lourde responsabilité. En même temps qu'ils proclament la nécessité du rétablissement de l'autorité, de la verticalité, et de la République, ils contribuent à dissoudre un peu plus un droit déjà fortement fragilisé.

L'heure est grave. Faut-il expliquer ce qu'il advient d'une société où le droit n'est plus légitime ?


Yannick Lefrançois – DNA/L'ALSACE



22 décembre 2021

Vers une annulation de la présidentielle ?

Pierre Duriot

Mardi 21 décembre, le Premier ministre Jean Castex a réuni les présidents de groupes parlementaires à l’Assemblée et au Sénat pour échanger au sujet du projet de loi sanitaire qui sera présenté le 5 janvier prochain. Mais il serait également question de savoir si l’élection présidentielle 2022 va être maintenue. Une source proche du gouvernement, rapportée par Le Parisien, pas vraiment un journal d'opposition, avait indiqué que l’exécutif se posait de plus en plus la question, sous le prétexte : « On ne peut pas garantir qu’on ne sera pas en 7e vague ». Ce qui signifierait qu'Emmanuel Macron pourrait présider, une année de plus, à moins qu'en Avril 2023, il invoque une 10ième vague, d'on ne sait quel variant à venir. Sachant que le brave Omicron n'a pas l'air plus dangereux que cela, comme l'indiquent les sources autorisées d'Afrique du Sud, d'où il est originaire et que la quasi-totalité de la population est vaccinée, cette éventualité semble tenir plus de la manœuvre régulière de maintien au pouvoir des dictateurs africains… le patron de l’exécutif, dont il se murmure qu’il serait en réalité à 12 % d’opinions favorables, semble plutôt perdre les pédales.

Justine Guitton-Boussion (Reporterre)

Chocolat : le guide pour acheter éthique et écolo




Producteurs de cacao payés une misère, travail des enfants, déforestation... Le chocolat n’est guère éthique. Mais certains labels équitables et bio se démarquent : à l’approche des fêtes de fin d’année, Reporterre fait le point.

Chaque année, chaque Français en mange en moyenne 7,3 kilogrammes [1], dont une bonne partie pendant les fêtes de Noël. Tablettes, bonbons, pépites, biscuits, pâtes à tartiner... le chocolat a investi nos placards. Au point qu’on en oublie que les fèves de cacao, nécessaires à sa fabrication, sont récoltées sous les tropiques, à des milliers de kilomètres de nos foyers. Leur transport est polluant, et la cacaoculture pose plusieurs enjeux éthiques et écologiques. Peut-on continuer à consommer autant de chocolat ? Un autre chocolat est-il possible ? Reporterre fait le point.

1 — Comment fait-on du chocolat ?

Tout commence avec le cacaoyer, un arbre très sensible qui ne se développe qu’à l’ombre d’autres grands végétaux. Il est originaire d’Amérique du Sud, mais des plants de cacaoyers ont été acclimatés en Afrique de l’Ouest dès le début du XIXe siècle [2]. Il produit des fruits jaunes, appelés cabosses, qui ont la forme d’un ballon de rugby.


Des cabosses mûres. © Quentin Hulo/Reporterre


Les cacaoculteurs doivent séparer la cabosse de la branche avec une lame, puis fendre le fruit à l’aide d’une machette. Les fèves de cacao apparaissent alors à l’intérieur, enrobées d’une pulpe blanche. Elles sont récoltées, puis entreposées dans des bacs ou des feuilles de bananiers pour fermenter plusieurs jours, et développer les premiers arômes. Pour retirer leur humidité, les fèves sont ensuite mises à sécher, au soleil ou sur un courant d’air chaud, pendant près d’une semaine.

Le plus souvent, ces fèves sont rassemblées et envoyées par bateau dans des chocolateries en Europe. Elles y sont concassées (pour séparer le grain de cacao de sa coque et son germe), torréfiées (chauffées) et broyées. On obtient alors une pâte de cacao. En la pressant, sont extraits du liquide (du beurre de cacao) et un tourteau (qui deviendra de la poudre de cacao). Pour obtenir le chocolat que nous connaissons, il faut mélanger de la pâte de cacao avec du beurre de cacao, en ajoutant du sucre et éventuellement de la poudre de lait. Le tout est ensuite chauffé et brassé lentement pour développer l’onctuosité du mélange. Dernières étapes : le chocolat est tempéré (refroidi puis réchauffé) et, enfin, moulé.

2 — Quels problèmes pose la culture de cacao ?

« Aujourd’hui, plus de la moitié des producteurs de cacao vivent sous le seuil de pauvreté », déplore Frédéric Amiel, auteur de Petite histoire de la mondialisation à l’usage des amateurs de chocolat (Éditions de l’Atelier, 2021). Sur le marché mondial, le prix du cacao est très bas. Et même lorsqu’il augmente, ce ne sont pas les planteurs qui en bénéficient mais les fabricants de chocolat et les distributeurs. D’après une étude de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les cacaoculteurs ne reçoivent en moyenne que 11 % du prix d’une tablette vendue en France en grande surface. Pour certaines références de tablettes, ce chiffre ne dépasse même pas 4 %. Dans ce contexte de misère, l’Unicef rapporte que plus de deux millions d’enfants travaillent aujourd’hui dans des plantations de cacao en Côte d’Ivoire, le principal pays producteur à l’échelle mondiale.


Les cacaoculteurs ne reçoivent en moyenne que 11 % du prix d’une tablette vendue en France en grande surface. © Elsa Bastien/Reporterre

La Côte d’Ivoire a également perdu 80 % de ses forêts en soixante ans. Les études manquent pour attribuer entièrement cette situation à la production de cacao, mais il est prouvé qu’elle y contribue. « Il n’y a pas de mise massive de cacao sur le marché sans déforestation massive », confirme François Ruf, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes (Cirad). Ce chercheur a étudié les différents « booms » du cacao de ces dernières décennies et en a élaboré un modèle.

Certains producteurs défrichent des parcelles de forêts pour y installer une plantation. Cela leur procure des rendements importants les premières années, mais cela ne dure pas si les cacaoyers ne sont pas protégés du soleil par d’autres grands arbres. « Un boom du cacao dans une région est presque inévitablement suivi d’une récession à l’échelle locale, poursuit François Ruf. Elle induit à son tour une nouveau boom dans une autre région, un peu plus loin, avec les mêmes producteurs ou leurs fils. C’est une longue répétition de cycles régionaux qui se déplacent une fois la forêt consommée à un endroit donné. » À tel point qu’il ne reste presque plus de surface forestière dans le principal pays producteur de cacao. En outre, pour améliorer leurs rendements, certains producteurs utilisent des produits chimiques qui abiment leur santé et polluent leur environnement.

3 — Commerce équitable, agriculture biologique… Les labels sont-ils une solution ?

La majeure partie du cacao que nous mangeons ne répond pas à des exigences sociales et environnementales. Sur les 7,3 kilogrammes de chocolat consommés par an en France, seulement 300 grammes sont labellisés Fairtrade/Max Havelaar, le principal label de commerce équitable dans notre pays.

Les garanties majeures du commerce équitable sont : un prix minimum d’achat garanti pour les producteurs auquel s’ajoute une prime de développement pour des projets collectifs, et une garantie de traçabilité. Contrairement au cacao conventionnel, qui vient principalement de Côte d’Ivoire, le cacao équitable est, notamment, originaire du Pérou, d’Équateur et de République dominicaine.

« La dynamique est positive, on a doublé le volume de cacao équitable consommé en France depuis trois ans. Mais ce n’est pas non plus faramineux », regrette Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar France. Le secteur de la transformation et du commerce de cacao est dominé par quelques entreprises : Mars, Nestlé, Ferrero, Mondelez… Et elles utilisent peu de cacao équitable. La labellisation reste donc un marché de niche.

Autre limite : « Dans le commerce équitable, le prix minimum d’achat aux producteurs est un bon principe, mais son niveau n’est pas suffisant, dit Frédéric Amiel. Celui du label Fairtrade/Max Havelaar décolle à peine du prix du marché. En réalité, il faudrait multiplier par deux ou trois la rémunération des planteurs. » Il constate que seules quelques marques, comme Éthiquable (label Symbole des producteurs paysans et label agriculture biologique), essaient d’atteindre ce niveau.


Les consommateurs sont confrontés à de nombreux labels de commerce équitable, qui n’ont pas tous les mêmes exigences.

« C’est le problème de base dans le secteur du cacao, les prix sont trop bas, dit Christophe Eberhart, cofondateur d’Éthiquable. Chez Fairtrade, le prix minimum garanti pour les producteurs, en incluant la prime de développement et la prime bio, est de 2 950 dollars la tonne. Notre label garantit un prix minimum de 3 600 dollars la tonne. Mais nous achetons nos cacaos encore plus chers, entre 4 000 et 4 500 dollars la tonne ! » Des améliorations du niveau de vie des producteurs existent donc selon les exigences des labels, mais elles restent marginales.

Une autre promesse du commerce équitable est la garantie de traçabilité. Cette traçabilité est plus ou moins précise : certains labels choisissent de vérifier une simple équation : X tonnes de fèves équitables entrées dans une usine doivent permettre de fabriquer X tonnes de chocolat équitable. Si cette équation est respectée, les tablettes sont labellisées. Une traçabilité comptable donc, qui permet d’assurer au consommateur qu’il a bien soutenu une filière éthique. Croque-t-il pour autant un carré de chocolat équitable ? Pas forcément, puisque du cacao « ordinaire » est mélangé à l’équitable dans l’usine — pour des raisons de praticité.

C’est ainsi que fonctionne le label Fairtrade/Max Havelaar. « Ce n’est pas le cas chez d’autres labels de commerce équitable, comme SPP, WFTO, Fair for life ou Bio Partenaire » dit Julie Stoll, déléguée générale de Commerce équitable France. [3]


S’il n’est pas associé à un label bio, le label Fairtrade ne garantit pas une traçabilité physique - seulement une traçabilité documentaire. © Justine Guitton-Boussion/Reporterre

Lorsque la tablette de chocolat est labellisée bio, la traçabilité physique des fèves de cacao est cette fois obligatoire. Donc, s’il choisit du chocolat portant un label de commerce équitable ET un label bio, le consommateur aura un produit qui satisfait à des exigences à la fois environnementales (pas de produits chimiques utilisés dans les champs de cacao, pas de déforestation) et sociales (meilleure rémunération des producteurs – selon les labels –, donc moins de risque de travail des enfants). « En France, 90 % du chocolat équitable vendu a aussi le label bio », souligne Julie Stoll.

« Les deux labels se répondent parfaitement bien, estime Anne Meyer, responsable des filières pour la marque AlterEco. Certaines coopératives de producteurs démarrent en faisant du commerce équitable, ce qui leur permet d’investir, puis de mettre en place des pratiques plus écologiques à l’échelle de leur parcelle, et de se faire labelliser bio. »

En revanche, il faut se méfier des labels créés par les entreprises, comme le Cocoa Plan pour Nestlé, ou le Cocoa Life de Mondelez. Petites vignettes accolées au dos des tablettes de chocolat, elles promettent une amélioration des conditions de vie des producteurs de cacao, sans engagement précis tel qu’un prix minimum garanti. Surtout, elles ne sont pas contrôlées par un organisme extérieur et indépendant.


Les labels créés par les entreprises elles-mêmes, comme le Cocoa Life de Mondelez (Côte d’or, Milka, Mikado...) promettent du cacao « durable », sans davantage d’engagements précis, comme un prix minimum garanti. © Justine Guitton-Boussion/Reporterre

4 — Et les chocolatiers dans tout ça ?

Au lieu d’acheter des tablettes en grande surface, certains consommateurs préfèrent se tourner vers un chocolatier. Ces professionnels peuvent faire du « bean to bar » [4], c’est-à-dire fabriquer leur chocolat directement depuis les fèves de cacao. D’autres n’ont pas le matériel ni les moyens pour le faire, et produisent leur chocolat à partir de pâte de cacao commandée auprès d’une entreprise de transformation.

« Quand on ne fait pas de bean to bar, on n’a pas la main sur la provenance du cacao, on dépend de nos fournisseurs et de ce qu’ils veulent nous raconter », explique Tiphaine Corvez, vice-présidente de la Confédération des chocolatiers. D’où l’intérêt de bien les choisir, et de leur demander des garanties sur la provenance des fèves et du beurre de cacao – qui peuvent, comme les tablettes vendues en grande surface, être labellisés commerce équitable ou bio.

En 2015, des artisans chocolatiers français ont échangé avec le Conseil interprofessionnel du cacao et du café du Cameroun. Ensemble, ils ont créé un programme pour former des cacaoculteurs au traitement post-récolte (séchage, fermentation). « La grande majorité du cacao mis sur le marché aujourd’hui n’est pas ou mal fermenté », dit Daniel Mercier, vice-président de la Confédération des chocolatiers de France. Ensemble, les producteurs, les artisans et leurs fournisseurs ont fixé un prix minimum garanti pour ce cacao de qualité. Aujourd’hui, le Club des chocolatiers engagés compte une centaine d’adhérents : des chocolatiers mais aussi des boulangers, pâtissiers, glaciers… « C’est un projet encore marginal, mais qui va dans le bon sens », approuve l’économiste François Ruf.

« Je conseille aux consommateurs de poser des questions à leur chocolatier, dit Tiphaine Corvez, de la Confédération des chocolatiers. D’où viennent les fèves ? Vous ferez vite la différence entre quelqu’un qui y répond avec enthousiasme, qui n’a rien à cacher, et quelqu’un qui ne sait pas y répondre ou qui y met de la mauvaise volonté. Même si je comprends qu’on n’a pas toujours le temps, surtout quand il y a douze personnes derrière vous à la période de Noël... »

5 — Doit-on renoncer au chocolat ?

« Plutôt que de manger moins de chocolat, il y aurait aussi possibilité de mieux rémunérer les producteurs, de mieux garantir l’origine des produits, de mieux lutter contre la déforestation, avec un même niveau de consommation, analyse Frédéric Amiel. Le problème, c’est qu’il faut que quelqu’un paye. » Et, pour le moment, les multinationales qui détiennent la majorité du secteur du cacao ne sont pas prêtes à passer le pas.

Des marques comme Ethiquable et des initiatives comme le Club des chocolatiers engagés, qui rémunèrent davantage les producteurs, sont tout de même une belle avancée.


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